« Mes clients ne sont pas que des dossiers »
La France vue par
En cette période électorale, La Croix L’Hebdo donne la parole à des Français de tous horizons pour qu’ils partagent leurs aspirations et leurs convictions.
Qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin ?
J’aime mon métier, alors au réveil je pense à mes clients ! On critique souvent les agents immobiliers, on nous dit que nos honoraires sont élevés « juste pour une visite ». Mais il ne s’agit que d’une petite partie de notre travail. J’ai justement monté ma société à cause de cette mauvaise image. Je voulais apporter un réel service : de l’écoute, de l’accompagnement, du conseil et de la sécurisation. J’aime parler à mes clients, les écouter, les accompagner dans leur projet. Je rentre vraiment dans leur intimité, que ce soit avec les vendeurs ou avec les acquéreurs. Nous sommes étroitement liés pendant plusieurs mois. Je suis très heureuse de les installer dans un nouveau cadre de vie. Mes clients ne sont pas que des dossiers ! Mes filles savent que je donne tout pour eux. Je leur réponds le soir ou même les week-ends…
Mais on ne vit pas que des moments simples. J’opère souvent des transactions pour des personnes qui se séparent, ou à la suite d’un décès. Les clients sont parfois stressés par rapport au déménagement ou à l’obtention de leur prêt. Je côtoie également des personnes qui ont vécu plus de quarante ans dans leur bien. Alors, pour eux, la vente est très compliquée… Je me souviens de cette dame de 80 ans qui a quitté sa maison pour un appartement. J’ai dû la rassurer. Il faut être solide pour les accompagner.
Où en sont les Français, vus de votre agence ?
Je dirais que les Français vont bien, mais qu’ils sont fatigués depuis la crise sanitaire. Malgré les nombreuses restrictions, celle-ci a permis de rapprocher les familles, de recréer du lien. J’ai des clients qui ont décidé de se marier après le premier confinement ! Désormais, beaucoup d’acheteurs cherchent une maison avec un jardin. J’ai un exemple révélateur : nombreux d’entre eux veulent déménager en Bretagne. D’autres cherchent un logement plus grand avec un bureau pour pouvoir faire du télétravail.
Quel bilan tirez-vous de ces cinq dernières années ?
Le Covid-19 a chamboulé le secteur de l’immobilier. Je me souviens de l’engouement qu’il y a eu à la fin du premier confinement. Je venais à peine de mettre en vente des maisons le 11 mai 2020, jour du déconfinement, qu’elles avaient déjà trouvé preneurs ! Les habitants voulaient quitter leur appartement, sortir de Paris. Puis le phénomène s’est tassé à cause de l’augmentation des prix et de la forte demande. Depuis l’invasion russe en Ukraine, les taux d’intérêt immobiliers remontent. Cela fait quinze jours que je n’ai pas eu d’appel pour les biens que j’ai en vente.
Hormis la crise sanitaire, il y a également de nouvelles règles énergétiques – depuis le 1er janvier –, qui ont des répercussions sur le secteur de l’immobilier. Désormais, les propriétaires qui veulent vendre doivent faire évaluer leur bien selon les normes énergétiques (il s’agit d’abord des propriétaires de logements classés G, puis F et ainsi de suite, NDLR). Bien entendu, il s’agit de solutions importantes pour l’environnement, mais cela préoccupe beaucoup les clients. Si les logements ne sont pas aux normes, il faudra les rénover, ce qui coûte cher. Ou alors, les propriétaires ne pourront plus louer leur bien ou devront augmenter le loyer. J’ai déjà eu le cas de plusieurs acquéreurs qui ne sont pas venus à une visite ou ont annulé la vente d’un logement mal classé, par peur de se retrouver dans un gouffre financier. Si les propriétaires ne peuvent plus louer leur appartement en région parisienne, on pourrait se retrouver en pénurie de logements.
Une scène vous a-t-elle marquée récemment ?
Je me souviens de cette fois où j’ai fait la visite d’une maison avec un couple qui voulait quitter Paris. La femme était enceinte. Elle a commencé à avoir des contractions. Nous avons écourté notre rendez-vous, et elle est partie à la maternité. Trois heures plus tard, elle accouchait de son premier enfant ! Le couple a ensuite acheté la maison avec le jardin et les quatre chambres. Ils ont désormais trois enfants !
Que ne voudriez-vous surtout pas perdre ?
Mon indépendance ! J’aime avoir la liberté de prendre le temps avec mes clients. C’était un pari risqué, je dépense beaucoup d’énergie, mais mes clients me nourrissent avec leur reconnaissance. Des agences me proposent de travailler avec elles, mais je ne veux plus. L’immobilier est trop souvent un monde de requins…
Quelle première mesure attendez-vous du nouveau président ?
Je trouve injuste l’impôt sur le revenu portant sur les pensions alimentaires. J’aimerais que le président le supprime. Je pense à toutes ces familles monoparentales qui ont du mal à s’en sortir.